Charlotte Charpot dans L'Echo du 29 juin...

LECTURE: Madame, vous êtes une prof de merde !

Sous le pseudo de Charlotte Charpot, l’auteur raconte son calvaire. Celui d’une enseignante partie donner cours le sourire aux lèvres mais revenue de tout, avec la crise de larmes quotidienne face à ces classes de sauvages pour qui le verbe apprendre ressemble à une insulte. Un récit pour le moins effrayant.

(l’écho) – « Le premier septembre, je suis entrée en fonction dans un établissement scolaire catholique. Le premier jour, ils ont hurlé pendant toute l’heure, le second jour ils m’ont brisé mes lunettes, le troisième jour je me suis fait traiter de pute, (…) j’ai failli prendre la porte en plein visage et ils se sont mis à lancer des craies…  Et lorsqu’en classe, je demande à un élève de lire ou de répondre à une question, il me fait la question suivante : ho ! Vous croyez que je suis à votre disposition ou quoi ?  (…)»
Quand elle quitte son établissement français devenu invivable, Charlotte Charpot, un pseudonyme, pense se refaire une santé dans notre enseignement belge. Fatale erreur pour cette jeune enseignante qui va débarquer en absurdie et carrément en enfer. rien ne lui sera épargné. Ni la lourdeur administrative, ni les remarques acerbes des supérieurs, ni ces règlements stupides qui ne profitent jamais aux profs. Comme cet affront subi par une collègue pour avoir osé porté un bandeau dans les cheveux, qualifié de provocation face aux jeunes filles qui ne peuvent mettre le voile en classe.
Et en Belgique, « pour obtenir un poste et un horaire complet, le professeur doit savoir tout faire : écrire en marchant sur les mains, corriger des copies en donnant cours, être adepte de toutes les religions pour ne choquer personne. » Et se débrouiller pour obtenir du matériel pédagogique.

En quelques semaines, et une sacrée campagne de marketing, le livre est devenu un best-seller et, au vu des réactions des enseignants belges, un fidèle reflet de ce chaudron presque intenable que l’on nomme enseignement. L’actualité voit défiler les revendications des paysans, des ouvriers d’usine. Avec raison, mais qui se soucie de ces hommes et femmes chargés d’éduquer, ou du moins d'essayer, des jeunes qui n’ont rien à faire de l’école et qui craignent plus les raclées des parents que la police ? Pourtant, la situation est carrément dramatique et la vie des enseignants souvent mise en péril. Nerveusement mais aussi physiquement. Comme d’autres collègues, l’auteur n’osait donner écrire au tableau en tournant le dos aux élèves. Dépassant sa vision personnelle de l’enseignement devenue un chemin de croix, l’auteur s’interroge aussi plus globalement sur l’avenir de ces jeunes qui vont débarquer sur le marché de l’emploi. Sans bagages. Sans rien. De quoi prévoir un avenir bien sombre.

Certes, on rit quelques fois. Quand Charlotte Charpot raconte certaines situations surréalistes. Mais d’un rire nerveux. Celui  utilisé pour désamorcer une situation extrême. Comme ce week-end découverte où les gamins de 11 ou 12 ans sont venus avec des gaz fumigènes, des boules puantes et des machettes dans le sac à dos. Au grand dam des professeurs obligés de revenir à l’école en catastrophe pour éviter un drame. Car l’enseignant est sans doute le seul salarié qui doit s’assurer avec ses deniers pour être en sécurité sur son lieu de travail. Il est responsable des faits et gestes des étudiants dont il a la garde.

A la fin de ce témoignage, on ne peut que trembler d’effroi pour ces jeunes profs qui vont monter au feu en septembre, la fleur au bout du fusil, et se faire « déniaiser », professionnellement. Dès la première heure de cours.

Welcome to the show! Les tranquillisants seront distribués à l’infirmerie à la récréation.

Quant à Charlotte Charpot, elle a tout quitté. Avant qu’il ne soit trop tard. Elle a rejoint le secteur privé, loin de ces duels permanents entre l’autorité scolaire et ces nihilistes violents. Engagez-vous qu'ils disaient!

Philippe Degouy

Source : http://www.lecho.be/actualite/par_ailleurs/LECTURE-_Madame-_vous_etes_une_prof_de_merde_!.8202427-621.art